Présent à VivaTech 2025, Kévin Besson est venu présenter Blue Garden, une solution qui s’adresse aux agriculteurs, éleveurs et même particuliers possédant un potager, permettant de contrôler à distance tous les paramètres -chaleur, humidité par exemple- de son exploitation. Présent au pavillon de la Pacific Tech, aux côtés des Calédoniens, Fidjiens, Australiens ou encore Néo-zélandais, il nous explique sa solution, et revient aussi sur LeadBees, une autre innovation, cette fois destinée aux apiculteurs, mais qu’il avait dû abandonner en raison du Covid.
Outremers360 : Vous êtes fondateur de Blue Garden, expliquez-nous en quoi consiste votre solution ?
Kévin Besson : Ce qu'on propose, c'est une solution qui permet d'accompagner les agriculteurs et les éleveurs dans la gestion de leur exploitation. Pour ce faire, on a ce petit boîtier, le Blue Garden, un contrôleur qui est équipé de sonde pour mesurer la température, l’humidité, la pression des capteurs de température, le niveau d'eau, et qui est capable également de piloter des équipements comme de la ventilation, l'éclairage horticole, les distributeurs automatiques pour les animaux, l'irrigation.
Et on va pouvoir piloter ces équipements sur une base de temps, donc avec des scénarios programmés pour l'irrigation ou des scénarios liés aux conditions. En fonction des données qui sont collectées, Blue Garden va déclencher certains scénarios, déclencher des équipements, ... Cette partie-là, c’est la partie automatisation, monitoring.
On a également une partie plateforme qui permet de consulter toutes les données qui ont été collectées et prendre des décisions éclairées en fonction de ces données. Typiquement : j'attrape mon téléphone, et au sein de l'application, je vais pouvoir consulter les données et piloter les équipements à distance. On va pouvoir aussi consulter les datas sous forme de graphiques, de tableaux ; renommer les interfaces ; configurer ces scénarios également.

Sur cette application, on a également toute la partie gestion de production. Donc là on va avoir des outils de gestion, de production, de traçabilité de produit, de suivi des récoltes, de gestion de cheptel. De sorte qu’on dispose sur une seule et unique plateforme : la partie contrôle méthodologie et la partie suivi de production.
Le concept c'est qu'avec une seule et même plateforme, un seul et même contrôleur, une seule et même application, on va pouvoir aller sur différentes thématiques agricoles et d'élevage. Et on va pouvoir faire de la gestion des systèmes hydroponiques, aquaponiques, donc de la culture hors-sol, ou des exploitations de vanille (piloter l'irrigation, vérifier les conditions environnementales).
Avec cette solution, on va pouvoir également faire de la gestion de station de compostage : surveiller l'état des tas de compost, la température et relancer la dégradation si besoin. On va pouvoir piloter sur de l'aquaculture, faire du monitoring de PH température pour la culture de bénitiers. Donc différents usages, différentes applications, mais une seule et même et unique solution.
Donc avec ce boîtier et l’application, l’agriculteur peut tout contrôler…
Exactement. Il a une visibilité à 360 degrés sur son exploitation. Grâce aux données qui sont collectées, il va pouvoir piloter ses équipements à distance, suivre et planifier sa production, avec des objectifs pour essayer de le challenger un peu et de l’optimiser. Il a également accès à une base de données avec des espèces. Par exemple, si demain il veut se mettre à faire de la crevette, il a une fiche descriptive avec des informations sur la crevette pour l'aider un peu à démarrer.
On a de la documentation technique : typiquement, le schéma directeur de l'agriculture de Polynésie est disponible dans l'application. Donc il va y avoir également une certaine veille par rapport à cette documentation technique. Et aussi, surtout, on a commencé à développer un assistant automatique, donc de « l'IA », pour pouvoir accélérer et faciliter la prise en main de l'outil par un agriculteur, notamment au niveau de son « onboarding », c'est-à-dire quand l'utilisateur crée son compte et se connecte pour la première fois sur la plateforme.
En somme, quelques questions très simples et rapides : Qu'est-ce que je veux faire avec Blue Garden ? De l'hydroponie ou de l'aquaponie par exemple. Quelles sont les thématiques qui m'intéressent ? L'apiculture, par exemple.

Ensuite, j'ai des boutons d'accès rapide : « je veux gérer mon poulailler », « je veux gérer ma serre », « je veux gérer mon compost ». Et lorsque vous cliquez dessus, vous avez un assistant qui vous pose deux trois questions : pour quel usage ? Est-ce que c'est pour faire des œufs ? Est-ce que c'est pour faire du poulet de chair ? Quelle est l'espèce ? Quel est l'objectif de production ? Et en quinze minutes, vous avez installé votre matériel, vous avez installé votre application, vous avez créé votre compte et vous pouvez déjà utiliser l'application.
C'est simple à prendre en main, très accessible aussi pour l'utilisateur. On a un starter kit qui comprend le contrôleur de base avec des capteurs température et humidité à 120 000 Fcfp hors taxes, donc 1 000 euros hors taxes. Vous pouvez aussi installer l'application gratuitement, sans forcément avoir de produit Blue Garden, et juste commencer en entrant vos données à la main, pour déjà commencer à utiliser l’application pour gérer votre potager, gérer votre installation hydroponique et aquaponique, gérer votre serre de vanille. Et ensuite on a une offre par mois à 50 euros par mois et 100 euros par mois en fonction des besoins. C'est flexible et très accessible.
Toujours sur cette application, il y a un côté B2B mais aussi B2C, donc grand public, avec je crois un réseau social ?
Exactement. En fait notre cible, ce sont les petits et moyens producteurs : quelqu'un qui veut gérer son petit potager personnel et qui veut juste utiliser l'application pour comptabiliser combien de tomates ont été produites, par exemple. On peut être particulier et utiliser l'application, mais on peut également accompagner des projets de serre sur plusieurs hectares. On a un projet de serre en cours à l'international assez important.
On peut faire aussi bien du petit particulier qui veut gérer son potager comme des personnes qui sont également des particuliers, qui ont un projet de reconversion professionnelle par exemple, qui veulent se mettre un peu à l'hydroponie et l'aquaponie, c'est assez porteur en Polynésie, et qui cherche à s'équiper, à se challenger ou qui sont intéressés par les nouvelles technologies.
Et du coup on a tous les profils : du producteur particulier qui fait du particulier, qui veut, qui veut gérer sa petite production, son petit potager, au professionnel qui a des impératifs de production, des engagements. On a un large spectre de clients aujourd'hui, autant B2C que B2B.
Avez-vous déjà séduit beaucoup d'agriculteurs ou d'éleveurs en Polynésie ?
Oui, on a des cas concrets en fait sur de l'hydroponie et l'aquaponie. On est également présent sur de la gestion de serre de vanille, donc avec du contrôle bioclimatique. On gère des stations de compostage dans un lycée notamment. On a un « use-case » sur de l'aquaculture, sur de l'élevage de bénitier. Donc oui, on a déjà des cas concrets et là on commence à avoir de la demande pour des projets à l'international.
On a commencé à commercialiser la plateforme cette année. Et l'objectif, c'est d'ici la fin de l'année, avoir au moins une centaine d'exploitations pilotée par Blue Garden.
Vous évoquez l’international, votre présence ici à VivaTech était importante ?
Super important. Et le fait d'être présent au Pacific Tech Village, au sein de cette délégation de startups du Pacifique, c'est juste incroyable. Ici, au sein d'une même plateforme, on a des start-ups de Nouvelle-Zélande, Nouvelle-Calédonie, Wallis, Fidji ... C'est un melting-pot hyper intéressant, avec des échanges, des synergies dans les territoires. Donc c'est super intéressant chez nous, déjà dans le Pacifique.
Et c’est aussi intéressant pour nous d'un point de vue international, parce qu’on a une solution qui est prête aujourd'hui. Certes on l'a développée pour la Polynésie, adaptée pour la Polynésie, pour notre « fenua », mais en fait on peut la vendre partout. Et aujourd'hui on a été approché par des territoires, des pays, des partenaires potentiels commerciaux. VivaTech est génial pour ça. Donc oui, on est super contents d'être là et on espère être là encore l'année prochaine.
Le bilan de votre présence ici est positif du coup ?
Très positif. J'étais un peu en attente de voir comment ça allait se passer pour nous. Il y a 35 000 startups sur VivaTech, et j'attendais de voir en fait comment est-ce que ça allait se passer, si on allait avoir des solutions concurrentes par exemple. On arrive à se démarquer avec une approche un peu plus concrète. On propose une vraie solution qui fonctionne et qui répond à des besoins concrets sur l'irrigation, sur le nourrissement. Et ça a l'air de séduire. Ça dépasse nos attentes.
Il y a quelques années, on s'était déjà rencontré et on avait déjà échangé sur une ancienne startup que vous aviez fondée : LeadBees. Entretemps, le Covid est arrivé et cette première aventure s’est soldée par un échec. Est-ce que ça a été difficile de rebondir ?
Alors effectivement, LeadBees était une belle start-up. On avait développé des produits et des outils pour accompagner les apiculteurs. Malheureusement, à une semaine de lancer la production de nos capteurs, le covid est tombé et a provoqué la fermeture des usines, donc rupture de la « supply chain ». On n'arrivait plus à se fournir en composants électroniques notamment.

Ça a été difficile. Je suis rentré au pays, j'ai pris un peu de temps pour me reposer et de ce que je retiens de tout ça, ce n'est pas l'aspect technologique, ni l'aspect business, c'est juste de se faire confiance. J’étais arrivé à Station F avec beaucoup d'attentes, en espérant rencontrer des professionnels qui pouvaient me guider, qui pouvaient m'apprendre beaucoup. Et je me suis aperçu que le niveau technique était là et qu'il fallait juste apprendre à se faire confiance. Et tout ce que je retiens, c'est faire confiance.
Même si on n'a rien récupéré de LeadBees pour Blue Garden -sur l’aspect technique et technologique-, tout ce que j'ai appris auprès des producteurs, des apiculteurs, a permis de développer Blue Garden. Notamment : comment présenter le produit de sorte qu'il soit accessible, facile à prendre en main ? Qu'est-ce qui était vraiment important pour les utilisateurs ? Et surtout, vendre une solution qui répond à de vrais besoins.
Il y a une différence entre LeadBees et Blue Garden aussi, c’est qu’auparavant vous étiez sur une solution « de niche », désormais vous élargissez votre terrain…
Exactement. Leadbees, c'est un beau produit, mais spécifique à l'apiculture, même s'il y avait d'autres usages potentiels. Là, on arrive avec une solution qui est en fait le projet à la base de Leadbees, qui était une solution qui permettait d'accompagner les agriculteurs, les éleveurs, les apiculteurs vers le numérique. Mais pour être honnête, c'était beaucoup trop vaste, c'était beaucoup trop complexe techniquement à implémenter.
Et moi, je faisais des petits bricolages pour moi dans mon garage, pour mes besoins personnels. Mais développer un produit qui puisse être industrialisé et vendu à l'international, c'est une autre dimension. C'est tout autre chose. Donc j'ai appris sur le tard, avec l'idée de développer un produit qui puisse être industrialisable et vendu à l'international. Finalement, Blue Garden, c'est ce qui était à la base de Leadbees. C'est sa suite logique, tout en étant plus vertical, c’est-à-dire en parlant à toutes les agricultures et élevages.
D’ailleurs l’apiculture est aussi compatible avec Blue Garden. Je suis moi-même apiculteur et c’est important pour moi. On a prévu de lancer quelques capteurs spécifiques pour les ruches. Leadbees et Blue Garden ont toujours été à la base des projets que j'ai d'abord développé pour moi parce que j'en avais le besoin, et lorsque le produit était suffisamment mature, je me suis dit pourquoi pas le vendre à d'autres personnes qui ont sûrement les mêmes besoins que moi.